ulcères cheval
ulcères cheval

Les ulcères gastriques sont une affection digestive fréquente chez les chevaux, touchant aussi bien les chevaux de course, de sport que de loisir. 

Les ulcères peuvent parfois passer inaperçus, mais ils peuvent tout de même impacter le bien-être du cheval. Une perte d’appétit, des performances en baisse ou des coliques répétées peuvent être des signes à surveiller.

Mais cette pathologie n’est pas une fatalité. En comprenant ses causes, ses mécanismes et ses facteurs de risque, il est possible d’agir en prévention. 

Cet article propose un tour d’horizon complet et accessible : types d’ulcères, symptômes, diagnostic, traitements et prévention, pour accompagner les propriétaires soucieux de préserver la santé digestive de leur cheval.

Un système digestif performant… mais sensible aux déséquilibres

Le tube digestif du cheval s’est développé pour répondre à un mode de vie basé sur le broutage quasi continu de fibres. En tant qu’herbivore monogastrique non ruminant, il possède un petit estomac, une sécrétion acide continue et un gros intestin spécialisé dans la fermentation. Ces caractéristiques rendent sa digestion à la fois efficace et fragile.

Le cheval produit de l’acide gastrique 24h/24, même à jeun. Sans apport régulier de fibres et sans mastication suffisante, cette acidité devient agressive pour la muqueuse de l’estomac, en particulier dans la zone non protégée appelée muqueuse squameuse.

Les pratiques modernes (rationnement du foin, repas concentrés, longues périodes sans accès à un fourrage, stress, changements de régime brutaux) perturbent ce fonctionnement naturel. 

Elles peuvent provoquer :

  • Des ulcères gastriques,
  • Un ralentissement du transit,
  • Une fermentation excessive dans le côlon,
  • Un déséquilibre du microbiote intestinal.

Le système digestif du cheval repose sur un équilibre subtil entre alimentation, salivation, acidité et fermentation. Pour préserver sa santé digestive, il est essentiel de respecter ses besoins physiologiques : accès au foin à volonté, transitions alimentaires progressives, routines stables, et vigilance face aux signes discrets d’inconfort digestif.

Salivation chez le cheval : un rôle clé dans la digestion et la prévention des ulcères

Chez le cheval, la production de salive n’est pas automatique ou réflexe comme chez l’humain. Elle est strictement déclenchée par la mastication. Autrement dit, un cheval ne salive que s’il mâche : fourrage, granulés, ou même lorsqu’il fait semblant de mâcher (mastication à vide).

Un cheval adulte peut produire jusqu’à 30 à 40 litres de salive par jour, principalement lorsqu’il consomme des aliments riches en fibres, comme le foin ou l’herbe. Cette salive est naturellement alcaline, riche en bicarbonates, et joue un rôle fondamental pour :

  • Lubrifier le bol alimentaire, facilitant la déglutition,
  • Tamponner l’acidité gastrique, en particulier dans la partie non glandulaire de l’estomac.

C’est pourquoi un cheval au foin à volonté, qui mâche régulièrement, est mieux protégé contre les agressions acides.

En cas de jeûne prolongé, de ration pauvre en fibres ou d’aliments trop concentrés, la salivation diminue, exposant la muqueuse gastrique à une acidité excessive. Cela augmente le risque d’irritation, d’érosion… et donc d’ulcères.

Anatomie de l’estomac du cheval : comprendre ses mécanismes

L’estomac du cheval, bien que relativement petit (8 à 15 litres), joue un rôle central dans le développement des ulcères gastriques. Conçu pour une ingestion continue de fibres, il sécrète de l’acide gastrique 24h/24, même à jeun. En l’absence d’aliment ou de salive tamponnante, cet acide peut agresser directement la paroi interne.

L’estomac est divisé en deux zones principales, aux propriétés très différentes :

schéma estomac cheval
schéma estomac cheval

*Schémas reproduits et adaptés à partir de ressources pédagogiques publiées par l’IFCE (Institut Français du Cheval et de l’Équitation).

La muqueuse non glandulaire (ou squameuse) : la zone la plus exposée aux ulcères

Située dans le tiers supérieur de l’estomac, au plus près de l’entrée œsophagienne, cette muqueuse est recouverte d’un épithélium pavimenteux stratifié, similaire à celui de l’œsophage. Contrairement à la partie glandulaire, elle ne produit ni mucus protecteur ni bicarbonate, ce qui la rend particulièrement vulnérable à l’acidité.

En conditions normales, elle ne devrait être exposée qu’à de faibles éclaboussures d’acide gastrique. Toutefois, dans la réalité quotidienne des chevaux domestiques, plusieurs facteurs comme le jeûne prolongé, l’effort physique, le stress ou la pression abdominale favorisent la remontée de l’acide vers cette zone fragile, abaissant le pH local à des niveaux agressifs (souvent inférieurs à 4), et augmentant ainsi le risque de lésions.

schéma estomac cheval muqueuse squameuse
schéma estomac cheval muqueuse squameuse
Conséquences de l’acidité gastrique du cheval sur la muqueuse squameuse :
  • Une irritation de la surface dès quelques heures d’exposition.

  • La formation de microlésions, puis d’érosions et enfin d’ulcères si l’exposition persiste.

  • Une inflammation locale, augmentant la sensibilité de la muqueuse et perturbant la motilité gastrique.

C’est dans cette partie squameuse que surviennent environ 80 à 90 % des ulcères gastriques chez le cheval adulte.

La muqueuse glandulaire : résistante, mais pas invincible

La muqueuse glandulaire tapisse les deux tiers inférieurs de l’estomac du cheval. Elle possède des glandes spécialisées qui assurent la sécrétion de mucus protecteur et de bicarbonates, formant une barrière visqueuse destinée à neutraliser l’acidité gastrique. C’est également dans cette zone que sont produites les enzymes digestives, comme la pepsine, indispensables à la digestion des protéines.

Contrairement à la zone squameuse, cette muqueuse est dotée de mécanismes de défense actifs, notamment la production de prostaglandines, qui stimulent à la fois la sécrétion de mucus, la circulation sanguine locale et le renouvellement cellulaire. Ces protections rendent cette partie de l’estomac plus résistante aux effets corrosifs de l’acide… mais pas invulnérable.

Les ulcères glandulaires sont moins fréquents (environ 20 % des cas) mais plus difficiles à traiter et plus profonds.

schéma estomac cheval muqueuse glandulaire
schéma estomac cheval muqueuse glandulaire

La ligne margo plicatus : jonction entre les deux muqueuses de l’estomac

 La jonction entre les deux parties de l’estomac  (la muqueuse glandulaire (protégée) et la muqueuse squameuse (vulnérable)) se nomme la ligne margo plicatus. Contrairement à une cloison étanche, il n’existe pas de barrière physique véritablement hermétique entre ces deux zones.

Cette configuration rend la zone squameuse particulièrement exposée lorsque le contenu acide de l’estomac est projeté vers le haut, notamment lors de l’effort physique, sous l’effet de la pression abdominale. Le phénomène est comparable à un reflux gastrique, avec une remontée d’acide qui vient agresser la muqueuse non protégée.

De la même manière, un jeûne prolongé ou une ration pauvre en fibres réduit la production de salive tamponnante et accentue l’acidité. Le stress, quant à lui, ralentit la vidange gastrique et affaiblit les sécrétions protectrices, prolongeant l’exposition de la muqueuse squameuse à un milieu corrosif.

Comprendre cette frontière anatomique est essentiel pour prévenir les ulcères : tout facteur qui accroît la production d’acide, réduit les défenses naturelles ou favorise le contact acide avec la zone non glandulaire augmente mécaniquement le risque de lésions.

schéma estomac cheval margo plicatus
schéma estomac cheval margo plicatus

Qu’est-ce qu’un ulcère gastrique chez le cheval ?

Un ulcère gastrique est une plaie qui se forme sur la paroi interne de l’estomac du cheval, lorsqu’elle est attaquée par les sucs digestifs (comme l’acide chlorhydrique et certaines enzymes) et que les mécanismes naturels de protection ne suffisent plus à la défendre. 

Cela peut aller d’une simple inflammation à une perte de tissu plus ou moins profonde, appelée érosion ou ulcération. 

Ces lésions ne sont visibles que par endoscopie, un examen qui permet d’observer directement l’intérieur de l’estomac.

Ces ulcères peuvent varier par :

localisation des ulcères gastriques cheval

Leur localisation :

Partie squameuse (non glandulaire) ou glandulaire.

nombres des ulcères gastriques cheval

Leur nombre :

Unique ou multiples.

étendue et profondeurdes ulcères gastriques cheval

Leur étendue et profondeur :

Superficiels ou profonds, parfois associés à des saignements ou des complications comme des sténoses (rétrécissements).

Pourquoi les chevaux développent-ils des ulcères ?

Le cheval est une espèce particulièrement prédisposée aux ulcères gastriques, bien plus que d’autres herbivores. Cette vulnérabilité s’explique par une combinaison unique de facteurs anatomiques, physiologiques et comportementaux, issus de son évolution d’herbivore sauvage et parfois incompatibles avec nos modes de gestion modernes.

Un estomac conçu pour l’alimentation continue

alimentation continue cheval
alimentation continue cheval

Le cheval est un herbivore conçu pour s’alimenter lentement et presque en continu tout au long de la journée. En liberté, il consacre naturellement entre 12 et 16 heures par jour à brouter des fourrages riches en fibres. L’estomac du cheval étant relativement petit (environ 8 à 15 litres), il est donc adapté à recevoir de petites quantités d’aliments de manière fréquente et accompagnées d’une abondante quantité de salive. Or, cette salive joue un rôle essentiel en faisant tampon et aide à neutraliser une partie de l’acidité gastrique.

Chez le cheval, la salive présente un pH naturellement basique, compris entre 7,2 et 8,4. Elle ne contient que peu d’enzymes digestives comme c’est le cas chez l’humain, mais elle est riche en minéraux, notamment en bicarbonate de sodium (NaHCO3-). 

Ce dernier joue un rôle tampon important, en aidant à réguler l’acidité gastrique sans l’inhiber totalement. Il protège notamment les zones les plus sensibles de l’estomac, comme la muqueuse non glandulaire, tout en préservant l’environnement acide nécessaire à la digestion des protéines.

Cependant, contrairement à d’autres espèces, l’estomac du cheval sécrète de l’acide chlorhydrique de façon continue, même lorsqu’il ne mange pas. En l’absence d’aliment pour l’absorber ou le tamponner, cet acide peut venir en contact direct avec la paroi stomacale, en particulier la zone non glandulaire, plus fragile car dépourvue de mucus protecteur. Lorsque cette exposition se prolonge, cela crée un terrain favorable à l’irritation, à l’érosion, puis au développement de lésions gastriques.

Une muqueuse squameuse fragile et non protégée

L’estomac du cheval est divisé en une partie glandulaire (protégée par un mucus) et une partie non glandulaire ou squameuse, dépourvue de protections naturelles. 

 

Lors de mouvements, de contractions abdominales ou d’efforts physiques, l’acide gastrique peut remonter et venir éclabousser cette zone vulnérable, provoquant des micro-lésions qui évolueront en ulcères.

Le cheval est donc particulièrement exposé aux ulcères squameux, localisés dans cette partie supérieure de l’estomac. Ces ulcères représentent environ 80 à 90 % des ulcères gastriques chez le cheval adulte.

Les pratiques d’hébergement et d’alimentation modernes augmentent le risque

modes hébergements et alimentation cheval
modes hébergements et alimentation cheval

Aujourd’hui, la plupart des chevaux ne vivent plus comme leurs ancêtres.

On les aime, on les soigne… mais trop souvent, leur alimentation ne respecte pas leurs besoins naturels : des repas concentrés donnés deux fois par jour, riches en céréales, pauvres en fibres, et de longues périodes de jeûne entre les repas. Ce type de gestion alimentaire est à éviter, car il va à l’encontre du mode de digestion naturel du cheval, qui est conçu pour brouter et manger en continu.

Leur accès au pâturage est souvent limité, et le stress du quotidien (dû à l’isolement, les transports, les compétitions…) s’ajoute à tout ça.

Résultat : Leur estomac se retrouve souvent vide, alors qu’il continue de produire de l’acide en continu. Et sans fibres à mâcher, il n’y a pas assez de salive pour neutraliser cet acide.

Petit à petit, la paroi de l’estomac souffre… et les ulcères gastriques peuvent s’installer.

Une pression gastrique accrue pendant l’effort

effort et pression gastrique
effort et pression gastrique

Lors de l’exercice physique, notamment dans les disciplines sportives (saut, complet, course), les muscles abdominaux comprimant l’estomac augmentent la pression interne. 

Cela favorise la remontée de l’acide gastrique vers la zone squameuse, accentuant l’agression de cette muqueuse fragile. Plus l’intensité et la durée de l’effort sont élevées, plus ce phénomène est marqué.

 

Cependant, la prévalence très élevée des ulcères gastriques chez les chevaux de course (jusqu’à 90 %) s’explique surtout par des pratiques de gestion inadaptées : alimentation pauvre en fibres, jeûnes prolongés, stress, et manque d’accès à un fourrage en continu.

Des mécanismes protecteurs parfois inhibés

Certains facteurs réduisent la production naturelle de mucus protecteur et de bicarbonates :

 

  • Le stress chronique ou aigu, en augmentant le cortisol et les catécholamines, altère les sécrétions gastriques protectrices.

 

  • La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) inhibe les prostaglandines qui stimulent normalement ces sécrétions.

 

Ces éléments affaiblissent les défenses naturelles de l’estomac et ouvrent la porte à la formation d’ulcères, même dans la partie glandulaire normalement protégée.

Reconnaître les symptômes des ulcères gastriques chez le cheval

Les ulcères gastriques chez le cheval peuvent se manifester de manière très discrète ou intermittente, rendant leur détection difficile, surtout aux premiers stades. De nombreux signes sont peu spécifiques et peuvent être confondus avec d’autres pathologies digestives ou musculosquelettiques. Il est donc essentiel d’adopter une observation attentive et globale du comportement et de l’état du cheval.

symptômes ulcères gastriques cheval
symptômes ulcères gastriques cheval

Signes discrets mais révélateurs chez le cheval ulcéreux

Des changements d’humeur et de comportement chez le cheval

Un cheval autrefois coopératif peut devenir irritable, nerveux ou hypersensible au brossage, particulièrement au niveau de la sangle. On observe parfois des réactions de défense lors du sanglage (coup de queue, oreilles en arrière, menace de morsure). Ces attitudes reflètent un inconfort abdominal ou une douleur gastrique.

Une diminution ou modification de l’appétit chez le cheval

Le cheval peut commencer à trier sa ration, délaisser les concentrés ou ralentir considérablement son rythme de repas. Il lèche son foin sans vraiment l’ingérer, ou s’interrompt régulièrement pendant qu’il mange, traduisant une gêne.

Une perte de poids inexpliquée

Malgré une alimentation suffisante, le cheval s’amaigrit progressivement, avec parfois un poil plus terne ou ébouriffé. La douleur gastrique limite l’assimilation et la prise alimentaire.

Des signes de douleurs digestives discrètes chez le cheval

On peut observer des coliques légères mais récurrentes, des bâillements fréquents, un grincement de dents, des mouvements d’étirement du ventre ou encore des regards vers les flancs. Ces manifestations témoignent d’un inconfort gastrique chronique.

Une baisse de performance et une raideur corporelle observé chez le cheval

Un cheval ulcéreux peut paraître moins énergique, moins volontaire au travail, raide dans son attitude générale, voire développer un dos contracté ou sensible au toucher, conséquence des tensions liées à la douleur viscérale.

D’autres signes moins spécifiques incluent :

Une baisse de performance et une raideur corporelle observé chez le cheval

D’autres signes moins spécifiques incluent :

Les ulcères gastriques chez le cheval peuvent se manifester de manière très discrète ou intermittente, rendant leur détection difficile, surtout aux premiers stades. De nombreux signes sont peu spécifiques et peuvent être confondus avec d’autres pathologies digestives ou musculosquelettiques. Il est donc essentiel d’adopter une observation attentive et globale du comportement et de l’état du cheval.

Un poil terne

Un pelage moins lustré ou ébouriffé peut trahir un déséquilibre nutritionnel ou un mal-être digestif, souvent en lien avec des ulcères ou une mauvaise assimilation.

Une hypersalivation ou un bruxisme (grincement de dents)

Ces comportements traduisent une gêne orale ou gastrique : le cheval tente d’apaiser l’irritation en produisant plus de salive ou en serrant les mâchoires.

Quels sont les risques si les ulcères ne sont pas traités ?

Un ulcère gastrique non diagnostiqué ou laissé sans traitement n’est jamais anodin. Même si les signes initiaux peuvent paraître discrets, l’évolution progressive entraîne des répercussions majeures, à la fois sur la santé physique, le confort digestif et le comportement du cheval.

La douleur chronique, liée à l’irritation constante de la muqueuse gastrique, devient un facteur de stress physiologique. Ce stress active l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, augmentant la production de cortisol, ce qui fragilise encore les défenses digestives et aggrave le cercle vicieux

Complications médicales secondaires

Le cheval ulcéreux peut aussi présenter, de façon indirecte :

  • Des abcès dentaires, en lien avec une mastication altérée ou incomplète,
  • Des carences en minéraux (fer, calcium, magnésium), par mauvaise absorption,

Une inflammation musculaire diffuse, due à un déséquilibre métabolique, qui favorise les douleurs musculo-squelettiques et les raideurs inexpliquées.

 Ces chevaux peuvent refuser certains exercices ou présenter une rigidité inhabituelle, sans lésion visible à l’examen locomoteur, ce qui complique le diagnostic et mène parfois à des erreurs d’interprétation.

La douleur chronique, liée à l’irritation constante de la muqueuse gastrique, devient un facteur de stress physiologique. Ce stress active l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, augmentant la production de cortisol, ce qui fragilise encore les défenses digestives et aggrave le cercle vicieux.

Perforation gastrique : complication grave des ulcères chez le cheval

La perforation gastrique correspond à la rupture de la paroi de l’estomac, généralement au niveau d’une lésion ulcéreuse devenue trop profonde. C’est une urgence vétérinaire absolue, dont l’issue est le plus souvent fatale si une intervention n’est pas immédiate.

Mécanisme de la perforation gastrique chez le cheval
schéma mécanisme perforation gastrique chez le cheval
schéma mécanisme perforation gastrique chez le cheval

Les ulcères commencent par une érosion superficielle de la muqueuse gastrique, généralement au niveau de la muqueuse squameuse, peu protégée contre l’acidité. Si rien n’est fait (pas de traitement, gestion inadéquate), la lésion s’aggrave :

  • L’inflammation devient plus profonde,
  • Les tissus sous-jacents (musculaire et conjonctif) sont atteints,
  • Jusqu’à provoquer une perforation totale de la paroi stomacale.

Cela entraîne le déversement du contenu gastrique acide dans la cavité abdominale (péritoine), déclenchant une péritonite sévère, extrêmement douloureuse et souvent rapidement mortelle.

Signes cliniques : parfois discrets, mais critiques

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la perforation ne provoque pas toujours des coliques violentes dès les premiers instants. Les symptômes initiaux peuvent être lents à émerger ou mal interprétés, surtout si le cheval est déjà en état de mal-être chronique :

  • Prostration ou repli sur soi
  • Douleur abdominale intense mais "muette" (immobilité, regard fixe)
  • Absence de bruits digestifs, signes de choc (gencives pâles, extrémités froides)
  • Tachycardie, respiration rapide, sueurs froides
  • Position antalgique (couché ou campé en avant), parfois refus total de se lever
  • Refus de s’alimenter, mais parfois maintien d’un comportement paradoxalement "normal" dans les premières heures

Certains chevaux masquent la douleur jusqu’à un stade très avancé. Une surveillance étroite est essentielle si un ulcère a été diagnostiqué ou suspecté.

Perforation Gastrique : Une évolution rapide et brutale

La rupture gastrique déclenche un état inflammatoire massif, avec une montée rapide de toxines dans la circulation (septicémie). Sans chirurgie d’urgence, la mort survient généralement en quelques heures à 48h, parfois beaucoup plus rapidement.

La chirurgie, lorsqu’elle est possible, est très délicate, coûteuse, et peu pratiquée en France (manque de centres équipés). Le taux de survie est faible, surtout si le diagnostic est posé tardivement.

Un risque sous-estimé

La littérature vétérinaire évoque une fréquence faible à modérée, mais ces chiffres sont probablement sous-estimés :

  • Car de nombreux cas ne sont pas confirmés par autopsie (mort subite ou euthanasie avant diagnostic),
  • Parce que les signes sont confondus avec d’autres causes de coliques aiguës,
  • Et surtout, car beaucoup d’ulcères ne sont pas diagnostiqués à temps, faute d’exploration digestive (gastroscopie non réalisée).

Les poulains affaiblis, les chevaux âgés, amaigris ou déjà stressés sont particulièrement exposés.

Comment prévenir les perforations gastriques chez le cheval ?

La seule stratégie efficace, c’est la détection précoce et la prise en charge rapide. 

Cela implique :

  • Une attention quotidienne aux signes discrets (amaigrissement, irritabilité, baisse d’appétit, postures défensives),
  • Une consultation vétérinaire dès que des symptômes digestifs récurrents apparaissent,
  • Une gastroscopie si le vétérinaire le juge pertinent,
  • Et une mise en place d’un traitement médical complet, avec des mesures d’accompagnement sur l’alimentation et le mode de vie.

La perforation gastrique est la conséquence ultime d’un ulcère non détecté ou non traité. Elle n’est ni rare, ni inévitable. Elle peut être évitée dans la majorité des cas par une vigilance accrue, une écoute fine du cheval, et un accompagnement vétérinaire adapté.

La vigilance de l’entourage est donc déterminante. En cas de doute, une consultation vétérinaire permettra de confirmer ou d’écarter cette hypothèse et d’éviter des complications lourdes. Un diagnostic précoce améliore significativement le confort, la récupération et la qualité de vie du cheval.

Diagnostic et traitements médicaux des ulcères gastriques équins

La prise en charge des ulcères gastriques repose sur un diagnostic précis et un traitement médical adapté, en association avec des mesures de gestion alimentaire et environnementale.

Diagnostic de l’ulcère gastrique chez le cheval

Le diagnostic de certitude repose sur la gastroscopie, une endoscopie de l’estomac réalisée sous tranquillisation. Cet examen consiste à introduire une caméra souple par les voies respiratoires supérieures jusqu’à l’estomac, permettant d’observer directement la paroi gastrique. 

Gastroscopie équine : seul diagnostic fiable pour détecter les ulcères

processus de diagnostic de l'ulcère gastrique chez le cheval schéma
processus de diagnostic de l'ulcère gastrique chez le cheval schéma
La présence d’ulcères gastriques

Elle permet de visualiser les lésions à l’œil nu et de confirmer leur existence avec certitude.

Leur localisation : quelle muqueuse est concernée ?

Savoir si l’ulcère touche la zone squameuse (fragile) ou la zone glandulaire (protégée) est essentiel, car les causes et les traitements diffèrent.

Leur nombre et leur étendue

La gastroscopie permet d’évaluer si les lésions sont uniques ou multiples, petites ou diffuses, ce qui oriente le pronostic.

Leur degré de gravité (score de 0 à 4)

Chaque ulcère est noté selon un système de classification allant de 0 (muqueuse normale) à 4 (lésions profondes, hémorragiques ou en nappe).

Sans cet examen, il est très difficile de distinguer un ulcère d’autres troubles digestifs (coliques, parasitisme, douleurs dorsales…), et d’évaluer correctement la sévérité des lésions.

Les autres examens complémentaires

Certaines explorations peuvent appuyer le diagnostic ou orienter les soins, mais aucune ne remplace la gastroscopie pour confirmer la présence d’ulcères et en évaluer la gravité.

Analyse de sang

Bien qu’elle ne soit pas spécifique aux ulcères, elle peut révéler une anémie, un stress inflammatoire ou d’autres déséquilibres biologiques secondaires à des lésions gastriques.

Observation clinique et comportementale

L’analyse des changements d’attitude, de l’appétit, du poil ou du comportement (raideurs, irritabilité, repli) permet de suspecter un inconfort digestif, surtout s’il est chronique.

Essai thérapeutique

Dans certains cas, une amélioration rapide après l’administration d’un antiacide ou d’un protecteur gastrique peut orienter vers un diagnostic présumé d’ulcères.

Dans les cas légers à modérés, une gestion adaptée incluant du foin à volonté, des changements alimentaires progressifs, et l’usage raisonné de solutions naturelles comme l’argile verte ou la guimauve peut apporter un réel soulagement. 

Toutefois, en présence d’ulcères sévères (grade 3 ou 4), ou de signes persistants, un traitement médical prescrit par un vétérinaire équin reste indispensable. Chaque cheval étant unique, seul un professionnel de santé est en mesure d’évaluer la gravité des lésions et de recommander une prise en charge appropriée. 

Le traitement des ulcères gastriques a pour triple objectif :

1. Réduire la production d’acide gastrique
2. Protéger la muqueuse endommagée
3. Favoriser la cicatrisation et restaurer l’équilibre gastrique

Quels traitements pour les ulcères gastriques chez le cheval ?

traitements des ulcères gastriques cheval
traitements des ulcères gastriques cheval

Oméprazole, sucralfate, misoprostol : les médicaments les plus utilisés

Oméprazole : l'incontournable inhibiteur de la pompe à protons (IPP)

L’oméprazole est actuellement le traitement de référence pour les ulcères gastriques équins, notamment ceux affectant la muqueuse squameuse (non glandulaire). Il agit en inhibant la pompe à protons (H⁺/K⁺-ATPase) des cellules pariétales de l’estomac, réduisant ainsi la sécrétion d’acide chlorhydrique et permettant aux lésions de cicatriser dans un environnement moins acide.

Effets secondaires et précautions

Bien que généralement bien toléré, l’oméprazole peut entraîner :

Effet rebond :

A l’arrêt brutal du traitement, une hypersécrétion acide peut survenir, augmentant le risque de récidive des ulcères. Il est donc recommandé de réduire progressivement la dose en fin de traitement .

Altération du microbiote :

Des modifications du microbiote gastrique ont été observées, bien que les implications cliniques restent à préciser .

Interactions médicamenteuses :

L’oméprazole peut retarder l’élimination de certains médicaments, en raison de son action sur le cytochrome P450.

Contre-indications :

Son utilisation est déconseillée chez les juments gestantes ou en lactation, ainsi que chez les chevaux présentant des troubles hépatiques ou rénaux graves .

Sucralfate : le pansement protecteur de la muqueuse

Le sucralfate est un agent cytoprotecteur qui forme une barrière visqueuse adhérant aux lésions ulcéreuses, protégeant ainsi la muqueuse gastrique de l’acide et favorisant la cicatrisation. Il est particulièrement utile pour les ulcères glandulaires ou en complément de l’oméprazole.

Misoprostol : une alternative pour les cas complexes

Le misoprostol, un analogue synthétique des prostaglandines, protège la muqueuse gastrique en augmentant la production de mucus et en réduisant la sécrétion acide. Il est utilisé dans les cas réfractaires ou lorsque les AINS sont impliqués dans la genèse des ulcères.

Indications :

Ulcères glandulaires résistants, ulcères induits par les AINS.

Précautions :

Son utilisation est contre-indiquée chez les juments gestantes en raison de son effet utérotonique .

La durée du traitement est généralement de 4 à 6 semaines, mais peut varier selon la sévérité et la localisation des ulcères. Il est impératif de suivre le protocole complet, car une interruption prématurée ou un dosage inadéquat peut entraîner une rechute ou une aggravation des lésions.

Le traitement médical seul ne suffit pas. Il doit être accompagné de mesures correctives sur l’alimentation (augmentation des fibres, diminution de l’amidon), le mode de vie (accès au pâturage, réduction du stress) et les habitudes d’entraînement.

Un suivi vétérinaire régulier est essentiel pour adapter la durée du traitement, vérifier la guérison, et prévenir les récidives.

Prévenir les ulcères gastriques chez le cheval : conseils pratiques

La prévention des ulcères gastriques repose sur des mesures simples mais fondamentales, visant à limiter les facteurs de risque connus.

Alimentation, routine, soins : les piliers de la prévention des ulcères

Foin à volonté ou en plusieurs repas :

Permet de maintenir une mastication et une salivation continues, favorisant un effet tampon naturel contre l’acidité gastrique.

Limiter les concentrés et privilégier les fibres :

Réduire les amidons et préférer les aliments riches en fibres limite la production d’acides volatils et préserve l’équilibre du pH digestif.

Fractionner les repas :

Distribuer les rations en plusieurs petites prises dans la journée évite les longues périodes de jeûne et les pics d’acidité.

Réduire les sources de stress :

Offrir une routine stable, des interactions sociales, un accès à des abris et des enrichissements contribue à limiter le stress chronique, un facteur reconnu dans l’apparition des ulcères.

Suivi vétérinaire et prudence avec les traitements :

Respecter les prescriptions, limiter l’usage des AINS et demander conseil avant toute médication.

Compléments naturels utiles contre les ulcères chez le cheval

Certains produits peuvent soutenir le bien-être général et indirectement la santé digestive, en apportant des bienfaits au niveau musculaire, articulaire et nerveux.

En particulier en hiver, période où le métabolisme ralentit, l’organisme est plus sollicité, et les défenses digestives parfois fragilisées. Chez les chevaux sensibles, un soutien préventif bien ciblé peut contribuer à traverser la saison froide plus sereinement.

argile verte cheval

Argile verte

Riche en minéraux, l’argile verte est souvent utilisée comme pansement digestif naturel. Elle forme une barrière protectrice sur la muqueuse gastrique, absorbe les excès d’acidité et calme les irritations. Elle peut également participer à la régulation du transit.

Cependant, en cas de surdosage ou d’utilisation prolongée sans adaptation, elle peut entraîner un ralentissement du transit, voire des occlusions intestinales chez le cheval. Il est donc essentiel de respecter les doses et de l’utiliser sous encadrement.

guimauve plante  cheval

Guimauve officinale

Riche en mucilages, la guimauve officinale (Althaea officinalis) est une plante adoucissante et protectrice des muqueuses digestives. Elle forme un gel visqueux au contact de l’eau, qui tapisse l’estomac et agit comme un bouclier naturel contre l’acidité gastrique.

En phytothérapie équine, elle est utilisée pour apaiser les inflammations, favoriser la cicatrisation des lésions gastriques et soulager l’inconfort digestif. Son action douce la rend particulièrement intéressante en complément d’une prise en charge globale des ulcères.

pectine poudre

Pectine

La pectine est une fibre soluble issue de fruits (notamment des pommes), capable de former un gel protecteur dans l’estomac. Elle ralentit la vidange gastrique, renforce la couche de mucus et peut atténuer les effets de l’acidité sur la muqueuse.

lecithine

Lécithine

Extraite principalement du soja ou du tournesol, la lécithine est une source naturelle de phospholipides, essentiels à la stabilité des membranes cellulaires. Elle soutient la réparation des tissus gastriques et améliore la résistance de la muqueuse aux agressions acides.

Utilisés en complément d’une gestion alimentaire adaptée, ces produits peuvent faire partie d’une approche préventive douce et bénéfique, surtout chez les chevaux sensibles ou en convalescence.

Références :

IFCE - Équipédia.  (26/10/2020) Les ulcères gastriques. Marie DELERUE, Valène PRUNIER, Clémence LOUBLIER

IFCE – Webconférence : Les ulcères gastriques chez le cheval de sport (Valène Prunier, 2020)

IFCE - Équipédia. (15/02/2022). La digestion chez le cheval : une physiologie adaptée à l’ingestion de fibres en continu. Nelly GENOUX - Pauline DOLIGEZ - Laetitia LE MASNE 

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FAQ : Tout ce que vous devez savoir sur les ulcères gastriques chez le cheval

Quelles sont les causes principales des ulcères gastriques chez le cheval ?

Les ulcères sont provoqués par un déséquilibre entre l’acidité naturelle de l’estomac et les mécanismes de protection de la muqueuse. Le jeûne prolongé, le stress, l’exercice à jeun, une alimentation trop riche en amidon ou pauvre en fibres, ainsi que certains médicaments (comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens) augmentent fortement le risque.

Quels sont les premiers signes d’un ulcère gastrique chez un cheval ?

Les signes peuvent être discrets : baisse d’appétit, tri de la ration, irritabilité, défenses au sanglage, poil terne, amaigrissement ou coliques légères répétées. Un changement de comportement (prostration, refus de travailler) doit aussi alerter.

Comment diagnostique-t-on un ulcère gastrique chez le cheval ?

La gastroscopie est l’examen de référence. Elle permet de visualiser directement la paroi de l’estomac et d’évaluer la localisation et la gravité des lésions. Un vétérinaire peut aussi proposer un essai thérapeutique en cas de suspicion.

Mon cheval est au pré toute l’année, peut-il quand même avoir un ulcère ?

Oui. Même un cheval vivant au pré peut développer des ulcères s’il est soumis à un stress (isolement, hiérarchie sociale, transport), s’il jeûne trop longtemps ou s’il a des antécédents digestifs. Aucun mode de vie ne garantit une protection totale.

Que faire en prévention des ulcères gastriques ?

Offrir du foin en continu, éviter l’exercice à jeun, fractionner les repas, limiter les concentrés et instaurer une routine calme sont les meilleures bases. Un suivi vétérinaire régulier et une alimentation riche en fibres sont essentiels pour préserver la santé digestive.